À la fois spectacle, performance et personne Cécile porte en elle mille vies, une conteuse hors pair et toutes les raisons de lui dédier un spectacle. Héroïne de ses propres histoires, elle les raconte sur scène, avec simplicité et humilité, pour le plus grand plaisir du public. “Cécile fait fleurir les gens autour d’elle”, comme ces rencontres qui changent des vies. Écologiste, porno-activiste, spécialiste en psychotropes thérapeutiques, porte-parole de mouvements squat en France, clown en hôpital ou défenseuse des droits de personnes réfugiées, Cécile mène ses combats, en autodidacte, avec ses fragilités et sa fougue généreuse. Sans filtre et pleine d’autodérision, elle nous livre ses aventures, ses souvenirs et ses batailles contre l’insupportable complexité du monde dans une performance-vérité où elle accepte de jouer son propre rôle. Libre de déborder, elle navigue à travers les différents tableaux de sa vie, accroche le public par son authenticité, on la suit, comme on suit une odyssée, avec tout ce que ça a de jouissif !
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© Mathilda Olmi
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© Mathilda Olmi
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© Mathilda Olmi
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© Mrs Liselotte Fankhauser
Chris Cadillac - Marion Duval
Cécile
Performance Cécile Laporte
Mise en scène Marion Duval
Conception Marion Duval, Luca Depietri (KKuK)
Dramaturgie Adina Secretan
Collaboration artistique et chant Louis Bonard
Costumes et marionnettes Severine Besson
Création son et composition Olivier Gabus
Lumières Florian Leduc
Scénographie et construction Florian Leduc, Djonam Saltani, Iommy Sanchez
Images – régie générale Diane Blondeau
Régie plateau Louis Bonard, Sophie Lebrun
Animations 3D Iommy Sanchez et Lauren Calero
Consultation philosophique Giorgio Palma (KKuK)
Collaboration images Felix Bouttier
Diffusion Anthony Revillard
Administration Laure Chapel
Production Chris Cadillac
Coproduction Arsenic – Centre d’art scénique contemporain, Théâtre Saint-Gervais
Avec le soutien de Pro Helvetia – Fondation Suisse pour la culture, Loterie romande, Pour-cent culturel Migros, Fondation Ernst Göhner, Fondation Engelberts, Corodis
Soutien à la recherche La Manufacture
Coréalisation Sélection suisse en Avignon et la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon
Biographie
Après une formation en danse, Marion Duval commence le théâtre et le clown, puis sort diplômée de la Manufacture à Lausanne en 2009. En 2011, elle fonde la compagnie Chris Cadillac au sein de laquelle elle crée notamment Las Vanitas, Claptrap, Cécile, Avant la retraite (Thomas Bernhard, en collaboration avec Camille Mermet et Aurélien Patouillard) et dernièrement Le spectacle de merde. Avec Aurélien Patouillard, elle crée aussi des spectacles tout public (Hulul, Farwest) et de temps en temps, elle danse dans des spectacles de Marco Berrettini (IFeel3, Sorry do the tour, again !). Esprit vif et libre, Marion Duval propose un théâtre qui rit de ses propres conventions pour interroger férocement l’inavouable, le pathétique et le fantasmagorique portés en chacun de nous.
Entretien avec Marion Duval
Le rôle de sa vie
Qui est cette Cécile que Marion Duval tient tellement à nous présenter ? Une animatrice de colonie de vacances pour personnes handicapées, une zadiste, une activiste écolo-porno, une clown à l’hôpital, une one-woman-show ? Dix vies en une ! Une histoire de dingue, un bien fascinant personnage en réalité ! Sur scène, elle est sans filtre, plus vraie que nature, parfois un peu trash. Cécile Laporte prend un plaisir évident à nous narrer ses nombreuses aventures. Et ce que l’on en retient, c’est tout autant son appétit de vie que son énergie à se mettre au service des autres. Les autres, c’est bien ce qui fait sens pour Cécile. Car elle s’adresse au spectateur, Cécile, elle est présente, elle nous touche, dans cette proposition de Marion Duval. Formée à la danse contemporaine, au clown et au théâtre, la metteuse en scène Marion Duval a été interprète chez d’autres, chorégraphes, metteurs en scène et cinéastes, avant de fonder sa compagnie, Chris Cadillac, pour prendre la scène avec une équipe de complices, développer ses propres outils et interroger l’art du théâtre, ici et maintenant.
Ce que vous nous proposez, avec Cécile, est-ce d’entrer dans un espace de la rencontre ?
Oui, c’est vraiment ça qui m’intéresse. Je ne travaille pas sur la proposition d’une interaction formalisée, comme un jeu, mais plutôt sur un mode d’adresse poreux. La construction et le spectacle sont là pour permettre la rencontre et le trouble de vivre quelque chose d’imprévu, d’imprévisible. Quelque chose qui échappe. On est touché à un niveau inattendu par la rencontre avec l’autre, et c’est pour moi l’une des choses les plus déstabilisantes et les plus riches. Je ne sais pas si c’est le but du théâtre en général, mais en tout cas, oui, c’est vraiment le but ici. Tous les moyens du théâtre, tout ce qu’on utilise comme effet, comme scènes, visent à permettre cette rencontre. Il y a aussi le temps.
Le spectacle se développe sur une certaine durée
Cela dure oui, c’est pour essayer de passer plusieurs stades. Il s’agit de faire une rencontre en accéléré donc on a quand même besoin de pas mal de temps, on installe quelque chose qui facilite cette rencontre, qui finalement opère. Le spectacle peut être agréable même si on le regarde comme un pur spectacle, au sens de quelque chose de parfaitement construit, mais au fond la construction n’est là que pour permettre la rencontre, un moment où on se sent proche.
Par rapport au récit, plus on avance moins Cécile termine ses phrases, d’ailleurs le spectacle n’a pas vraiment de fin, y a-t-il une part d’improvisation ?
Il s’agit d’un drôle d’exercice, tout n’est pas ficelé. Cécile ne vient pas tout à fait se mettre au service du spectacle, elle fait ce qu’elle peut et ce qu’elle veut avec cet exercice que nous lui proposons. La forme du spectacle consiste à faire en sorte qu’elle raconte un certain nombre de choses, même si la quantité de détails ou l’investissement dépend beaucoup d’elle, du moment, de l’atmosphère. Parler de ses souvenirs crée une intimité avec le public. En même temps, raconter ses souvenirs plusieurs fois crée une sorte de distance par rapport à un souvenir initial, qui est déjà une construction. Avec la répétition, le spectacle opère généralement sur elle un effet de fatigue, une dépense. Les scènes durant lesquels on rejoue des épisodes de sa vie ont aussi une fonction qui va dans ce sens. De plus, en acceptant de donner son nom, son visage et ses souvenirs à un spectacle, elle vit une drôle d’expérience. J’ai pensé que Cécile pouvait porter un spectacle parce que c’est une personne qui déclenche, qui offre une ouverture, qui cherche la rencontre. Ce qui me fascine chez elle, c’est aussi sa liberté. Le spectacle joue au moins sur deux plans : d’un côté, il y a les enjeux d’un spectacle et, d’autre part, c’est sa vie.
C’est sa vie, mais il y a mise en scène, mise en récit, donc une part de représentation ?
Oui, c’est ça. On a fait un spectacle qui repose sur un rapport d’empathie, et invite à une plongée un peu étrange dans ce qui nous fait vivre, ce qui nous constitue et, potentiellement, c’est abyssal. Non pas parce qu’il y a de l’impro, mais parce que sa faculté à lâcher prise est mise à l’épreuve et renforcée par la situation du spectacle. On voit aussi comment elle retrouve le chemin vers elle, vers une part intrinsèque d’elle-même qui a envie d’être là, d’être spontanée, de prendre sa part dans la situation et de ne pas se laisser manger. En lui proposant ce spectacle j’ai pensé qu’elle arriverait à s’en sortir.
La liberté est-ce que c’est un sujet qui vous intéresse ? Dans les différentes scènes qui évoquent des thématiques sociales, il y a un esprit rebelle qui s’exprime, est-ce aussi ce qui vous a plu chez elle ?
C’est un aspect de son tempérament et de ses engagements qui se révèle de fait. La liberté est déjà là au départ, dans son parcours, dans sa manière de vivre les choses (elle a besoin de risquer, de se jeter), et de les raconter. C’est ce qui m’a plu, avec aussi son immense autodérision. Le fait de pouvoir vivre les choses intensément sans retenue et en même temps avec une telle légèreté. En tout cas elle se lance dans les trucs, elle donne sans que cela n’ait l’air de l’épuiser ou de la vider, c’est en cela aussi qu’il y a un espoir dans ce qu’elle véhicule. Elle a un appétit qu’elle arrive à communiquer et à partager. J’imagine aussi que c’est ce qui fait qu’elle a envie de jouer ce spectacle.
Sur le plateau, il y a un arrière-plan et un premier plan, séparés par un écran qui est surface de projection mais également qui fait écran, qui sépare, comment avez–vous conçu ces deux espaces ?
C’est un spectacle qui s’est construit à tâtons, et avec toute l’équipe, mais cette idée a émergé très vite. Il y a un aspect pratique qui consiste à préparer des scènes à l’arrière sans être à vue, et à avoir un écran qui permet de projeter des titres, des témoignages, des photos, des vidéos. Il y a le premier niveau du récit, où on donne parfois des documents et ça se passe devant et puis, derrière, il y a comme l’espace du reenactment, où on la voit jouer à sa vie. Le spectacle joue aussi sur le décalage entre ce que l’on a vécu et la façon dont on raconte ce que l’on a vécu. Comment attraper nos souvenirs et comment les partager ? on est forcément en train de trahir, de faire faux, de rendre sensationnel ou banal, c’est limite ridicule comme processus. Et pour les tableaux… on ne cherche pas à faire une reconstitution. Il s’agit de célébrer ce qui a été vécu et aussi d’en rire, peut-être de résoudre ensemble ce qui n’a pas été résolu sur le moment. La scène peut parfois devenir un espace de réparation, de vengeance. Le pari c’est que rejouer sur scène des choses, avec l’imagination qui recompose, avec aussi ce rapport d’empathie, ça peut ouvrir, reformuler, réinterpréter, redistribuer ou peut-être même, oui, résoudre des choses qui se sont ou ne se sont pas produites dans la réalité. C’est une chose que j’aime pour moi-même quand je vais sur scène, et c’est le cadeau que j’ai voulu faire à Cécile. Et, quelque part, je crois que cette proposition est venue nourrir son appétit de vivre de nouvelles aventures ; c’est peut-être un autre chapitre de sa vie qu’elle est en train de jouer là, qu’on pourra ajouter à ses récits.
Il y a aussi une dimension clownesque dans tout cela
Ça vient pas mal de son expérience de clown à l’hôpital. Mais s’il y a du clown dans le spectacle c’est peut-être aussi parce qu’on traverse ensemble différentes strates de réalité, différentes interprétations au moins. Ou aussi parce que Cécile est quelqu’un qui n’a pas peur du ridicule, elle aime bien rigoler, alors on y va. Il y a une certaine naïveté aussi.
Vous développez également un rapport à la marionnette, au théâtre d’objet, est-ce qu’il s’agit de questionner encore une fois la représentation ?
Cela provient d’un certain goût du spectacle, de jouer avec des costumes, des accessoires, des jeux d’échelles. Ça a une efficacité en soi, il y a un plaisir à jouer avec le regard à travers une dimension monumentale ou effrayante, avec l’illusion aussi. Mais ce n’est pas vraiment le fruit d’une réflexion, c’est plutôt un penchant, et c’est sans doute aussi la thématique qui a déclenché une série de jeux. C’est une manière de traduire scéniquement ce qui se joue dans le temps : le fait de parler, d’avoir sa tête non-stop… il y a une sorte d’apparition carnavalesque, à la fin qui opère comme une métaphore de ce qui se dit tout du long : rencontrer quelqu’un, se le prendre en pleine face, se faire attraper… C’est un peu cauchemardesque aussi. C’est comme si le spectacle était fasciné par Cécile, jusqu’à vouloir la bouffer.
Dans vos autres spectacles, La Vanitas et Claptrap, il y avait déjà cette question de la représentation
Quand on rencontre quelqu’un on peut se poser ces questions, si on est un peu intéressé par l’autre… Il y a toujours la question de la représentation : la possibilité de relire sa propre histoire, de masquer des choses, de se réinventer, de composer. Il y a quelque chose qui se reconfigure face à l’autre. On fait des spectacles qui jouent ce jeu, qui le mettent à vue, et donc qui jouent avec quelque chose que tout le monde reconnait parce que ça se produit quotidiennement dans les jeux sociaux. C’est de la dynamique de la rencontre dont il s’agit et ça ne joue pas sur des codes de théâtre excluant. Ça fait rire ou ça gêne justement parce qu’on reconnaît.
Propos recueillis par Maïa Bouteillet en mars 2023
Revue de presse
« Poète ultramoderne de la précarité, de la marge, de la différence, elle arrache de la joie au désastre et transforme le trivial en sublime. »
Le Monde, Joëlle Gayot
« Une performeuse hors norme doublée d’une metteuse en scène à découvrir d’urgence : “Cécile” de Marion Duval, un coup de cœur absolu. »
Les Inrocks, Fabienne Arvers
« En assumant au contraire la provocation et la transgression, mais aussi une latence, une fragilité, un vertige qui cueillent, captivent et étreignent, elle fait se déployer une sorte de kaléidoscope émotionnel avec une liberté folle qui lui fait tout oser. »
Sceneweb, Christophe Candoni